Campagnes solidaires est le mensuel de la Confédération paysanne, engagé avec les paysans et les acteurs du mouvement social dans l'émergence d'autres mondes possibles.

C'est un point de ralliement pour ceux qui veulent comprendre les réalités de la vie et des luttes paysannes dans le monde et ici en Europe.

C'est aussi un espace pour ceux qui veulent s'exprimer sur ces réalités et la manière d'agir sur elles.

Informer, c'est contribuer au débat sur les sujets de société tels que les OGM, la sécurité alimentaire et la mondialisation...

Campagnes solidaires, notre, votre journal, tente chaque mois de restituer les résistances et les espoirs de ces luttes. Nous avons besoin de vous pour continuer ce combat.

	Le numéro du mois n° 420 - octobre 2025
	Editorial Sommaire Dossier Archives

Dossier

Les luttes paysannes n’ont jamais cessé !

Par Morgan Ody, paysanne dans le Morbihan, coordinatrice générale de La Via Campesina

Il y a quelques années, j'ai pour la première fois entendu parler de la « guerre des paysans allemands ». Quel pouvait bien être cet événement historique qui avait en son centre des paysan·nes ? J'ai commencé à me documenter, échangeant avec quelques autres (rares) confédéré.es elles et eux aussi fasciné.es par l'histoire. Dans les faits, la « guerre des paysans » de 1525 ainsi qu'un grand nombre de révoltes paysannes ont joué un rôle essentiel dans l'histoire de nos sociétés. Or nous, paysan·nes et militants paysans, n'en savions rien.

Cette ignorance est problématique. C'est bien connu, l'histoire est écrite par les vainqueurs. À l'école, dans les médias, dans la plupart des livres, il est surtout question des rois et des présidents, des grands de ce monde, de leurs conquêtes, de leurs inventions et de leur « génie ». Tout pour justifier leur pouvoir et leur richesse et la soumission de la majorité.

Mais si l'histoire était aussi faite des luttes populaires et qu'il nous revenait à nous, mouvement social, de la raconter autrement, à partir des revendications, des façons d'agir et des modes de vie de nos alter ego du passé ? Si faire cela, raconter les luttes paysannes du passé, pouvait alimenter nos imaginaires et nourrir les combats actuels ?

En 1525, des centaines de milliers de paysan·nes européen·nes ont tenté de faire dévier le cours de l'histoire en revendiquant l'égalité de tous et toutes, contre la servitude et le pouvoir démesuré des nobles et du clergé. À de multiples autres occasions, notamment au moment de la Révolution française, les paysan·nes ont joué un rôle clé pour défendre l'égale dignité de tous les êtres humains. Et pourtant, beaucoup assènent que les paysan·nes sont incapables de jouer un rôle dans l'histoire, voire que nous serions indécrottablement du côté des réactionnaires. Certains livres sur l'histoire de l'humanité font même remonter à l'invention de l'agriculture la naissance des inégalités sociales : seules les sociétés de chasseurs-cueilleurs seraient égalitaires, et puisque c'est impossible d'y revenir, il faudrait accepter la fatalité des injustices. Bref, tout serait de notre faute, et donc la disparition des paysan·nes serait le seul chemin du salut (dixit les écomodernistes).

L'interprétation du passé dessine les contours de ce que collectivement nous croyons possible et désirable pour l'avenir. Se plonger dans ces événements où les paysan·nes étaient alors majoritaires, doit aussi nous interroger sur les alliances à nouer aujourd'hui. Si nous voulons des paysannes et paysans nombreux, il est grand temps de reprendre notre histoire en main !